Génocide ordinaire. Bakou, Janvier 1990


Le script du film documentaire

C’est Bakou moderne, une ville qui essaye d’éblouir par son éclat spectaculaire et sa somptuosité. Aujourd’hui, on y évite furieusement de se souvenir de ceux qui y habitaient jadis à bon droit du fondateur et du bâtisseur de cette ville et qui ont laissé une trace ineffaçable sur le visage de Bakou. C’étaient les représentants d’une des nations cofondatrices de la République Soviétique d’Azerbaïdjan. Les maîtres actuels de Bakou ont fait de l’antiarménisme un credo sur lequel se base la politique d’Etat, en voulant effacer le souvenir des arméniens de Bakou et du crime monstrueux réalisé dans cette ville en janvier 1990. Très peu de gens pourrait croire aujourd’hui qu’il y a 20 ans la ville de Bakou se noyait dans le sang et une bacchanale de violence cruelle moyenâgeuse régnait dans ces rues. Il n’y a que 20 ans …

Il est très difficile de verbaliser ce qui se passait à Bakou du 13 au 19 janvier 1990. C’est dangereux pour la santé mentale de toute personne normale qui se guide par des valeurs d’humanisme étant à la base des relations civilisées entre les êtres humains. Afin d’épargner nos téléspectateurs nous n’apporterons pas de témoignages sur les cas les plus cruels de massacres des arméniens. L’objectif de ce film est de dire la vérité sur les événements de Bakou du janvier 1990, mais aucunement la provocation de sentiments de haine ou d’hostilité. Et ceci pour garder la dignité que le peuple arménien a pu montrer non seulement ces jours-là, mais pendant tous les autres actes de violence et de barbarie commis contre les arméniens d’Azerbaïdjan.

«Le 13 janvier 1990 après 17 heures une foule de 50 mille personnes quittant la place Lénine s’est divisée en groupes et s’est mise à piller, à incendier, à déclancher des actes de violence, à tuer. Journal « IZVESTIA», le 15 janvier 1990.

Une énorme foule s’est rassemblée sur la place Lénine en scandant «Vives les héros de Sumgaït!», «Vive Bakou sans arméniens !». Des pogromes d’une cruauté et d’un sadisme inimaginables ont commencé plus tard dans la soirée : le quartier arménien est devenu une arène de massacres, les gens étaient jetés par les fenêtres des immeubles, la foule attaquait les arméniens et les battait à mort.

Le journaliste de la radio de Moscou rapportait ces jours-là : «Les manifestants étaient appelés à chasser les arméniens de Bakou. La foule scandait des slogans anti-arméniens qui ont, par la suite, engendré des actes de violence. Les meneurs de la foule avaient entre les mains les listes des arméniens qui restaient encore dans la ville. Ils étaient poursuivis».

«Les pogromes se font avec une cruauté particulière. Le 14 janvier un groupe d’une quarantaine de personnes a fait irruption dans l’appartement des Torossyan, un couple de personnes âgées où se trouvaient deux autres membres de la famille. Les bandits les ont tous battus, ont volé une somme d’argent de 3 mille 500 roubles, les ont amenés de force ainsi que leur voisine Aroutyunova en dehors de la ville, ont versé de l’essence sur eux et les ont incendiés», écrit Kirill Stolyarov dans son livre « La chute».

Le 15 janvier la radio « Liberté » transmet : «Les violences déclanchées la nuit du 13 au 14 janvier à Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan soviétique, ont fait 25 morts».

«Les pogromes et les agressions commencés à Bakou continuent le 15 janvier D’après les données préalables les attaques des trois derniers jours ont fait 33 morts. Ces données ne peuvent pas être considérées comme définitives, car au jour d’aujourd’hui on ne dispose pas de chiffres plus ou moins exacte sur tous les appartements pillés. Journal «Izvestya», le 16 janvier 1990.

L’avenue Lénine, l’une des avenues centrales de Bakou, était inondée de sang. Les russes habitant la capitale azerbaïdjanaise sont terrifiés au souvenir des scènes de massacre de leurs voisins qui étaient fusillés à bout portant, jetés par les fenêtres, brûlés vif et même démembrés pas la foule possédée des azerbaïdjanais.

«Ce sont les assassins les plus impitoyables. Ils attaquaient aussi bien les hommes que les femmes, aussi bien les jeunes que les vieux, pour une simple raison d’être arménien. Etre arménien en Azerbaïdjan signifiait être préalablement condamné a mort » rapportait par téléphone le correspondant de la radio « Liberté».

Le 16 janvier à Bakou 64 cas d’attaques sur les appartements habités par les arméniens ont été recensés. Dans l’arrondissement Lénine de la capitale de la république azerbaïdjanaise 4 cadavres brûlés ont été trouvés. Ces cadavres ne sont pas encore identifiés ». Journal «Izvestya», le 18 janvier 1990.

«Le 17 janvier 45 cas d’attaques et d’incendies prémédités des immeubles ont eu lieu à Bakou ». Journal « Izvestya », le 19 janvier 1990.

Le 18 janvier le poète russe David Samoylov écrit dans son carnet : « Ce qui choque c’est la barbarie de l’Azerbaïdjan. Je ne pense qu’à cela».

Il y a même eu le témoignage de Etibar Mamédov, l’un des leaders du Front National, sur le sadisme sans précédent de ses compatriotes et sur l’inertie des organes de sécurité publique.

«J’étais moi-même témoin de la manière dont ont été tués deux arméniens non loin de la gare ferroviaire. Une foule s’était rassemblée, de l’essence a été versé sur les arméniens et ils ont été brûlés . A deux cents mètres à peine se trouvait le commissariat de police de l’arrondissement Nassimine où il y avait à ce moment-là à peu près 500 soldats des forces intérieures. Ils passaient en camion à 20 mètres de ces cadavres qui brûlaient, mais personne n’avait entrepris d’essayer d’encercler le quartier et de chasser la foule ». Journal « La Nouvelle Vie», N5, 1990.

Extrait de la communication de l’agence de presse TASS : «Le 19 janvier de nouveaux toubles ont éclaté en faisant des victimes».

«Le nombre des arméniens assassinés la semaine dernière à Bakou dépasse celui des victimes de Sumgaït. C’est une nouvelle tragédie due au fait que les tragédies précedentes ont été passées sous silence ». Andre Pralnikov, « Le janvier brûlant », « Les Nouvelles de Moscou», le 21 janvier 1990

Ces jours-là la mémoire génétique du peuple arménien témoignait instamment : c’est le même génocide, ce sont les mêmes méthodes, ce sont les mêmes bourreaux.

Dans les années 1905-1906 des massacres massifs des arméniens ont eu lieu à Bakou, le Katolikos de tous les Arméniens Mkrtich Premier-Khrimyan Ayrik les a qualifié de « catastrophe révoltante ».

De 88 673 arméniens habitant à Bakou, 52 822, soit 59,57 pourcent du nombre total, ont souffert, dont

– 5 248 assassinés
– 31 293 réfugiés
– 3 396 prisonniers
– 3 572 portés disparus.

« Le bord de la mer était témoin de scènes déchirantes. Une énorme foule de réfugiés et le manque de bateaux avaient créé une panique affreuse : les gens perdaient leurs proches ; les parents leurs enfants, les frères leurs sœurs,, les époux leurs femmes ; l’un partait, l’autre restait, parce qu’il n’y avait plus de place ». Extrait du livre de Bakhchi Ichkhanyan « Les grandes terreurs de la ville de Bakou».

Cette scène dans le port de Bakou se répétera 72 ans plus tard, dans le même lieu, avec la même cruauté et dans les mêmes buts.

Le Génocide des arméniens en Azerbaïdjan en pleine soviétisation se poursuit jusqu’en 1923 et se manifeste dans toute son atrocité au mois de mars 1920 dans la ville de Chouchi où le nombre des victimes des massacres sans pitié dépasse 20 mille.

Pendant les 65 années suivantes des centaines de milliers d’arméniens seront chassés de leur patrie historique à la suite de la terreur, des violences et des persécutions jamais punies et masquées par l’internationalisme soviétique hypocrite.

En réponse au « génocide blanc » évident, les arméniens d’Artsakh autodéterminé ont opté pour la défense de leurs droits par voie légale et pacifique.

Le 20 février 1988 lors de la session du Conseil régional des députés de Nagorny Karabakh une décision a été prise de s’adresser aux Conseils Suprêmes des républiques Soviétiques d’Azerbaïdjan et d’Arménie avec une demande de détachement de la région autonome de Nagorny Karabakh de l’Azerbaïdjan et son rattachement à l’Arménie.

Les pogromes des arméniens à Sumgaït, qui ont révélé l’impossibilité de cohabitation des arméniens et des nationalistes fanatiques complètement privés de traits humains, devinrent la réponse à cette demande constitutionnelle des arméniens de Karabakh. Les pogromes des arméniens à Sumgaït, monstrueux par leur cruauté et qui n’ont toujours pas été reconnus pour ce qu’ils ont été, furent le prélude à la bacchanale sanglante antiarménienne dans tout l’Azerbaïdjan dans les années 1988-1992.

Sumgaït, février 1988 : arméniens tués, brûlés vifs, torturés, blessés, 18000 déportés.

Mai 1988 : déportation forcée de toute la population arménienne de Chouchi .

Eté/automne 1988

Déportation forcée des milliers d’arméniens vivant dans le Nord de Nagorny Karabakh.

Novembre/Décembre 1988 ; vague de pogromes et de déportations dans tout l’Azerbaïdjan. En Novembre 1988 des centaines de milliers d’arméniens de Bakou et d’autres localités se sauvant des atrocités des azerbaïdjanais se réfugient en Arménie.

Le tocsin sonne du 21 au 27 novembre avec les événements à Kirovabad (Gandzak arménien) . D’après les données incomplètes, pendant ces 7 jours dans la ville

18 personnes sont tués
60 – portés disparus
74- gravement blessés

Grâce uniquement à la défense organisée par les arméniens, des assassinats et pogromes massifs ont pu être évités. 45 mille arméniens ont été chassés de Gandzak.

En 1989 le blocus économique de l’Arménie et du Nagorny Karabakh a commencé.

Brigandages, massacres meurtres cruels des habitants des villages périphériques, déportations forcées, enlèvements, tortures.

A Bakou la situation s’aggrave d’un jour à l’autre : les arméniens sont licenciés de leur travail ; ils sont agressés et humiliés dans les établissements publiques, dans le transport, dans les magasins, dans les bureaux de circonscription où ils s’adressent pour l’obtention de documents. Ils sont battus et tués.

A la suite des nettoyages ethniques opérés de 1988 à 1992 plus de 500 mille arméniens ont été déportés de l’ex-république soviétique d’Azerbaïdjan.

Pendant l’année précédant le génocide des arméniens à Bakou plus de 60 citoyens de nationalité arménienne sont tués « imperceptiblement » dans les maisons, au travail, dans les rues, des centaines sont mutilés, des centaines de milliers sont chassés (Extrait de l’article « Le grand froid noir du janvier », paru dans l’hebdomadaire « Avto », le 22 janvier 1991)

Voici la chronique du mois de décembre 1989.

Le premier décembre

Gasparov, un arménien de 60 ans, domicilié 27, rue Rileev, est torturé à mort.

Le même jour un autre arménien non identifié est tué.

Les tombeaux arméniens sont profanés, des pierres tombales sont détruites.

Le 10 décembre

Suren Grigoryan, un arménien de 69 ans est torturé et tué cruellement dans son appartement.

Le 16 décembre

Deux arméniens sont battus à la station du métro de Bakou « le 28 avril »: l’un est battu à mort, l’autre réussit à se sauver.

Le 26 décembre

Une église arménienne est mise en feu sur la place des Fontaines de Bakou.

Le 31 décembre tout le long du fleuve Araxe la frontière d’Etat entre la République Soviétique Socialiste Autonome de Nakhidjevan et l’Iran est détruite et éliminée .

Il ne reste que 2 semaines avant les pogromes des arméniens à Bakou…

En janvier 1990, de 230 mille arméniens il ne reste que 35 mille à Bakou. Le plus souvent ce sont des personnes âgées ou des malades et leurs proches qui sont restés pour les soigner.

Entre temps, une psychose de masse anti-arménienne gagne Bakou, le Front National, manifeste sans cesse en rassemblant des milliers de personnes qui scandent «Mort aux arméniens !», «Vive les héros de Sumgaït!»

Le 10 janvier 1990 un état d’urgence est établi, pas à Bakou, mais dans la région autonome de Nagorny Karabakh ainsi que dans bien d’autres localités arméniennes où des manifestations paisibles ont lieu avec des revendications d’arrêter la violence contre les arméniens.

La politique du terrorisme étatique envers les citoyens de nationalité arménienne touche à sa fin logique.

Le 12 janvier les représentants de l’aile radicale du Front national de l’Azerbaïdjan Neymat Panakhov et Rahim Gaziev déclarent lors d’une manifestation que la ville est remplie de réfugiés sans domicile tandis que des milliers d’arméniens vivent dans le confort.

«Tout de suite, 5 mille manifestants se sont dispersés dans la ville ayant entre les mains les adresses des arméniens»,- dira 2 mois plus tard, lors de la session fermée du Conseil Suprême de l’URSS , Vadim Bakatine, le Ministre de l’Intérieur.

Dans son livre «Les Arméniens de Bakou : la vie et la fin» Irina Mosésova montre le mécanisme concret de la préparation et de la réalisation des pogromes :

  1. Elaboration d’un plan détaillé de la ville sur lequel sont marqués les quartiers où le nombre des arméniens est important.
  2. Large campagne anti-arménienne dans les médias à l’initiative de l’intelligentsia azerbaïdjanaise.
  3. Agressions et assassinats des citoyens de nationalité arménienne dans les rues de la ville et dans le transport public,
  4. Ainsi dite «coordination» des actions entre les bureaux de circonscription, les commissariats de police et le service d’aide médicale d’urgence lors des pogromes planifiés qui n’était en réalité qu’un sabotage prémédité de ces services.

Après les événements du mois de janvier 1990, les russes évadés de Bakou témoignaient : « Quand les pogromes ont commencé les extrémistes avaient entre leurs mains les adresses exactes des arméniens, des russes et des familles mixtes etc.»

Les extrémistes avaient non seulement les adresses, mais aussi le plan de la ville de Bakou sur lequel les croix désignaient les quartiers où la présence arménienne était importante , c’était donc des repères pour les assassinats massifs et la violence.

Ces jours-là, Abdulrakhman Vezirov, le premier secrétaire du Parti Communiste de l’Azerbaïdjan est passé à la télévison avec une rhétorique pleine d’hystérie anti-arménienne.

C’était un appel à la barbarie. Les vandales se sont mis à l’action. Ils se sont mis à faire ce à quoi avait fait allusion Mikhail Gorbatchev le 18 juillet 1988 lors de la session du Conseil Suprême de l’URSS en posant une question aux députés arméniens : « Est-ce que vous avez réfléchi à ce qui pourrait arriver à la population de 200 mille arméniens de Bakou ? ».

(cadres) Dans son livre « C’est dommage pour la patrie » Le Général Alexandre Lebed écrit:

«Les arméniens étaient attrapés et battus à mort ainsi que les juifs, les ossètes, les géorgiens et tous ceux, qui ressemblaient à peu près aux arméniens. Comme on dit, pour battre ils n’avaient pas besoin de consulter les passeports des victimes pour s’assurer de leur identité arménienne, les visages suffisaient».

Extrait d’un article paru dans l’hebdomadaire « Soyouz » le 19 mai 1990. « …pendant les pogromes arméniens à Bakou la foule furieuse a littéralement démembré un homme et ses restes ont été jetés dans la poubelle ».

«Le commandant du groupe, Romka, un azerbaïdjanais, sort patrouiller dans la ville. En revenant il demande tout de suite de la vodka. Il délire. Il a vu comment une femme avait été jetée de son balcon. Toute nue. Elle avait été jetée dans un bûcher préparé avec des meubles. Il n’y avait aucun doute que ces meubles étaient ceux de son appartement. Ensuite….Ensuite un des membres du Front National agitait du balcon les oreilles de cette femme. »,- témoignage d’Aleksey Vassilyev, officier de l’armée soviétique.

Lors de la session fermée du Conseil Suprême de l’URSS du 5 mars 1990, Evgueni Primakov déclare :

«Nous avons été témoins de la façon dont les pogromes sauvages anti-arméniens ont provoqué de nombreuses victimes, des centaines de milliers d’arméniens ont perdu leurs foyers en l’espace de quelques jours et ont été déportés de la république».

Les arméniens de Bakou, ayant bu le calice jusqu’à la lie, n’avaient qu’un seul désir : se sauver, quitter la ville devenue enfer sur la terre. Ceux qui s’y étaient échappés par miracle, étaient dirigés vers le port pour prendre les bacs à destination de la République Soviétique de Turkménistan. La déportation forcée se se déroulaient sous le contrôle vigilant des autorités officielles et du Front National. Dans le port , les réfugiés étaient fouillés, privés de derniers biens pris au hasard à la dernière minute, ils étaient de nouveau battus et humiliés publiquement avant d’être poussés sur les bacs.

Extrait d’un article paru dans le journal « Krasnovodsk mayak » du 15 janvier:

«Le bac « La Géorgie Soviétique » arrive au port de Krasnovodsk, une bizarre de croisière ayant pris une journée et demie . Des gens fatigués et éreintés descendent l’échelle. Les jeunes bénévoles de Krasnovodsk, aident les vieux infirmes à descendre en les soutenant des deux cotés».

«Voilà 4 jours passés depuis le 15 janvier où le premier bac avec les réfugiés est arrivé au port, cependant l’image n’a pas changé en 4 jours. Deux personnes, un homme et une femme, âgés de 85 et de 90 ans sont décédés sur le bac pendant le trajet à cause des blessures et des coups reçus à Bakou», – témoigne le 19 janvier le chef du Département municipal de l’Intérieur de Krasnovodsk, le major Yuri Karmazine.

«Nous avons déjà reçu plus de 10 mille réfugiés. Nous les avons presque tous envoyés à Erevan. C’est horrible !» Secrétaire du Comité munucipal du parti communiste N.Mouravieva .

Le peuple turkmène était à la hauteur en manifestant une véritable charité et compassion envers les arméniens dans un grand malheur.

A Erevan, les premiers réfugiés ont été accueillis dans la nuit du 14 au 15 janvier. Pendant les 24 premières heures, 18 avions avec des réfugiés à bord ont atterri à l’aéroport d’Erevan. Ils avaient tous besoin d’être logés, réchauffés, nourris, soignés physiquement et moralement.

«Dès que les bacs de Krasnovodsk ont été mis en service, des milliers de réfugiés sont partis à destination de Moscou où aussitôt toutes les gares et tous les aéroports ont été inondés de réfugiés. Des femmes âgées qui avaient sur leurs mains les traces des cigarettes éteintes par les nationalistes azerbaïdjanais, des enfants à moitié nus portant des pantoufles, des hommes et des femmes la souffrance aux yeux.

Nous avons vu des arméniens qui étaient coupables pour le seul fait d’être nés arméniens et des azerbaïdjanais qui étaient expulsés parce que leur père, leur mère, leur femme ou leur mari était d’une autre nationalité… », – écrit Anatoli Golovkov dans son article « Plaie perçante » paru dans la revue « Ogonek », N6, 1990.

Durant les deux mois suivants, 32 réfugiés sont morts des blessures et des mutilations dans les hôpitaux de Erevan en complétant la liste d’environ 300 victimes, d’après les données incomplètes. On ne saura jamais combien d’arméniens de Bakou sont morts dans les hôpitaux d’autres villes.

Extrait de la communication de l’agence de presse TASS du 22 22 janvier 1990.

« Plus de 30 milles personnes, membres de familles des officiers soviétiques, ont été évacués ces jours-ci de l’Azerbaïdjan».

D’après un article paru dans une revue militaire-historique en juillet 1990, 30 militaires auraient péri aux mois de janvier et de février 1990 à Bakou.

Ces jours-là le Kremlin s’interrogeait sur la nécessité de faire entrer ou non les troupes à Bakou. Jusqu’au 19 janvier il n’y a eu aucune intervention de la part de Gorbatchev dans tout ce qui s’était produit à Bakou, malgré la présence dans la ville d’une garnison militaire assez nombreuse ainsi que des forces de l’ordre du Ministère de l’Intérieur de l’URSS qui auraient pu faire cesser le désordre.

Extrait d’un article paru dans le journal «Les nouvelles de Moscou» le 4 février 1990.

« A la différence de Sumgaït, l’armée soviétique a eu « un retard » non pas de trois heures, mais d’une semaine pour entrer à Bakou. Après tout, pour la répression des pogromes les forces de la garnison de l’armée Soviétique basée à Bakou et les forces de l’ordre du Ministère de l’Intérieur de l’Azerbaïdjan suffiraient largement. Lorsque les troupes sont finalement entrées dans la ville, ce n’était plus pour faire cesser les pogromes, mais pour éviter que le pouvoir en Azerbaïdjan échoie au Front National».

Extrait d’un article paru dans l’hebdomadaire « Sobésednik »

« La session du Conseil Suprême de la République Soviétique d’Azerbaïdjan a désapprouvé l’entrée des troupes dans la ville. On se demande pourquoi les pogromes arméniens avaient-ils été tolérés depuis le mois d’août ? Pourquoi ces pogromes, ayant entraîné l’entrée des troupes se réalisaient-elles dans la complaisance silencieuse des pouvoirs ? ».

Le 20 janvier les troupes soviétiques sont enfin entrées dans la ville. Elles sont entrées non pas pour arrêter les pogromes et sauver les personnes âgées, les handicapés, les femmes et les enfants… Elles sont entrées au moment où il n’y avait plus aucun arménien à Bakou.

De nombreux soldats et officiers soviétiques, en agissant sans ordre et en suivant leur propre conscience, sauvaient les arméniens en les aidant à quitter cet enfer.

« La logique avec laquelle les événements évoluent prouve infailliblement que les pogromes de Bakou commis contre les arméniens et les représentants d’autres nationalités ne sont qu’un essai de dissimuler les vraies intentions des nationalistes et des séparatistes azerbaïdjanais »- disposition fixée par la décision du Conseil Suprême de la République Soviétique d’Arménie.

La Convention de l’ONU pour la prévention et la répression du crime de génocide proclame

«… le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

1. Meurtre de membres du groupe;
2. Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
3. Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle

Le monde ne sut ce qui s’était passé durant cette semaine sanglante et ne tressaillit pas de douleur ou de fureur. Les médias n’en parlèrent que très peu et d’une manière partielle. Personne ne fut poursuivi ni condamné dans une Union Soviétique encore très solide.

Une session fermée du Conseil Suprême de l’URSS eut lieu le 5 mars durant laquelle nombre de fonctionnaires soviétiques parlèrent sincérement des massacres de Bakou en apportant des détails effrayants. Ces détails ne parurent jamais dans la presse.

C’est « l’allée des Chahides » à Bakou d’aujourd’hui ou se trouvent les tombes des assassins et des vandales reconnus « héros ». Les haut fonctionnaires étrangers arrivant à Bakou sont obligés d’effectuer une visite protocolaire de cet endroit et de rendre hommage à ces « héros ». Exactement comme en Turquie, où l’on rend hommage à l’idéologue et à l’initiateur du Génocide du peuple arménien de 1915, Ataturk.

Aujourd’hui il n’y a pratiquement plus d’arméniens en Azerbaïdjan. La xénophobie et l’arménophobie alimentent la politique d’Etat azerbaidjanaise restée invariable durant tout un siècle. En plein jour, l’Azerbaïdjan actuel détruit les cimetières et les monuments chrétiens.

Tout cela doit pousser un cri d’alarme à la communauté internationale qu’il ne peut pas y avoir de paix stable et durable dans le Sud du Caucase tant que les organisateurs et les réalisateurs du génocide des arméniens en Azerbaïdjan et au Nagorny Karabakh dans les années 1988-1992 ne sont pas poursuivis en justice.

Doivent le savoir tous ceux qui soutiennent aujourd’hui l’Azerbaïdjan dans ses intentions vis-à-vis du Nagorny Karabakh en excitant ainsi l’appétit de ses dirigeants et en favorisant de nouveaux actes génocidaires dans la région du Caucase.

Aucun crime commis par l’Azerbaïdjan contre les arméniens n’a jamais été condamné ni réprimé. Aucun criminel n’a été montré du doigt et n’a jamais été puni. Le « Nürenberg » de Bakou est à venir.

Les interviews synchrones:

K. Adamov, artiste national de la République d’Azerbaïdjan, lauréat de la Prime d’Etat:
« Je suis né à Baku : j’ai fait mes études et j’ai travaillé à Moscou. Il y a beaucoup de choses qui me lient à Baku, mais j’étais obligé de la quitter et je n’ai vraiment pas envie de m’en rappeler »

Un réfugié:
« Une fille a été violée, les hommes étaient piétinés, écrasés, les bottes sur le cou… »

La jeune fille N1:
« Je ne veux plus être azerbaidjanaise. Après tout ce qui s’est passé j’ai des problèmes cardiaques, je ne veux plus revenir dans cette nation… »

La jeune fille N2
Ils sont venus et ils ont dit : Allez ! Partez ! Nous avons tout simplement fermé les portes et nous sommes sortis, nous n’avons rien pris avec nous. Tout le monde était viré du travail, ils ne nous laissaient pas travailler. Nous sommes dehors…c’est impossible d’y vivre, impossible…Ils frappaient tous les jours à la porte, ils nous mettaient des notes sous la porte avec des mots suivants : « Si vous ne partez pas, votre maison sera incendiée. Le délai : 3 jours »

Une femme âgée:
«Dans notre section il y avait des dizaines cadavres par terre, quand j’ai vu cela je me suis sentie mal et je voulais rentrer très vite chez moi. Je me suis approchée de mon appartement et j’ai vu mon mari par terre baignant dans son sang…. »

La jeune fille N 3:
«Nous ne pouvions pas y croire. Je dis à ma mère : Pourquoi tu as tout laissé dans l’appartement, les vêtements ou les choses de précieux, pourquoi tu ne les a pas cachés chez des voisins russes ?

Elle répond : Je ne pouvais pas croire que, de nos jours, quelqu’un aurait pu pénétrer de force dans les appartements, voler et tuer ? Bon, les manifestations, les démonstrations d’accord, mais tuer des gens ? Personne ne pouvait croire que c’est possible…

Les femmes dans le bus:
«J’étais virée du travail ; virée de chez moi. Et nous sommes devenus réfugiés, dans un état atroce, sans rien, sans maison, sans quoi que ce soit. Tout ce que j’ai pu garder, voilà…Voilà tout ce qui me reste… »

Le Général Alexandre Lebed:
«Je m’occupais de l’évacuation des arméniens de Baku. Je les envoyais à Moscou, à Erevan et dans bien d’autres villes. J’essayais d’expliquer qu’il ne faut pas tuer les gens juste parce qu’ils sont nés arméniens. Je ne suis pas arrivé à persuader de ne pas tuer ; mais j’ai réussi à évacuer…

La femme dans la tenue blanche:
« C’est par miracle que nous sommes arrivés à trouver de la place sur le bac. Nous avions appelé trois fois la police qui, pourtant, nous a tout volé mais nous a pourtant amené sur le bac. Malgré la présence des représentants des autorités sur le bac, mon fils et mon mari étaient battus. Ils voulaient les jeter dans la mer… »

La femme d’un azerbaidjanais:
« Ma maison était entièrement incendiée. Pourquoi ? Ce sont des salauds, ce ne sont pas des êtres humains. Comment cela peut se passer ? Ils sont en train d’éliminer leur propre peuple musulman… »

La femme N 3:
« Le 15 au soir, j’ai vu une quarantaine de personnes avec des haches monter chez mon voisin arménien. Je me suis sauvée à l’hôpital, ensuite mes voisins m’ont appelé et m’ont dit que je n’avais plus de maison : tout a été cassé et emporté…Je me suis précipitées vers les soldats… Eux, les pauvres, avaient des larmes aux yeux. Je leur ai dit : « Le garçons, mes fils aussi défendent la patrie, comme vous, qu’est-ce que je fais maintenant ? Ils ont dit : « Nous sommes incapables de faire quoi que ce soit, Dieu merci, que tu es restée en vie… »





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